15 de des. 2007

Méndez, Ricardo

Jean-Jacques Fleury

[Personnage créé en 1981 par Francisco González Ledesma]. L'âge de Ricardo Méndez, dont on ignore le second patronyme, n'est jamais précisé; on sait seulement qu'il est proche de la retraite. Il a passé son existence de flic à Barcelone qu'il quitte rarement; toutefois, il n'est pas né dans cette ville et, même s'il parle le catalan, sa culture est plutôt castillane. Son caractère indépendant, son incapacité totale à participer á une intrigue ou à une cabale, ajoutés à la grande compréhension dont il fait preuve à l'égard des prostituées et des petits délinquants, ont mis un frein à sa carrière et l'ont marginalisé au sein de l'institution. Il exerce son métier de policier dans les bas quartiers de Barcelone (le quartier chaud, le fameux Barrio Chino, aujourd'hui disparu), au sein du commissariat le plus sordide et le plus délabré (tout juste rénové dans sa dernière enquête).
Méndez ne croit ni en l'État ni en la Justice. Son seul credo, c'est la morale individuelle et la "loi" des rues de quartiers populaires qu'il connaît jusque dans leurs moindres recoins. Ses supérieurs, parfaitement au fait de ses opinions, ne lui confient aucune mission ou enquête importante; son dossier professionel est des plus médiocres car Méndez n'arrête jamais personne. Sa carrière a débuté sous le franquisme et, à maintes reprises, il a apporté journaux et petits paquets aux prisonniers "rouges". Depuis la retour à la democratie, il affiche une neutralité politique de bon aloi, ce qui ne l'empêche nullement de s'engager aux côtés des plus humbles face à un système qu'il juge trop souvent corrompu et injuste.
Sur le plan personnel, il vit dans des pensions sordides ou dans une chambre de l'arrière-boutique d'un bar, et se nourrit à la diable, même s'il ne dédaigne pas la fréquentation épisodique de grandes tables à Barcelone ou à Paris. Ses lectures ne sont jamais précisées, mais l'ont sait que ses poches sont toujours pleines de livres. Sa vie sexuelle est un vrai désastre: célibataire, il est quasiment impuissant (dans Le Péché ou quelque d'aprochant - El pecado a algo parecido, 1999, son cas fait même l'objet d'une très sérieuse étude clinique) et n'a jamais connu de relation sérieuse; on laisse entendre qu'il a toujours couché avec de vieilles prostituées "qui ne savent plus si elles doivent poursuivre dans le métier ou entrer au convent".
Le personnage de Ricardo Méndez est un mélange de quatre policiers qu'a connu l'auteur: un garde du corps du Capitaine général qui "oubliait" toujours son arme chez lui, un policier qui, pour arrêter les délinquants, brandissait sa plaque sous leur nez, un autre policier qui n'utilisait qu'une arme chargée à blanc et de petits cailloux qu'il lançait dans le dos de ceux qu'il poursuivait, et, enfin, un haut fonctionnaire de la Sécurité qui a confié à Francisco González Ledesma toutes ses désillusions et ses échecs.
Revenu de tout, profondément sceptique quant à la nature humaine, Méndez porte sur le monde qui l'entoure un regard très critique (son humour distancié, voire son cynisme sont parfois ravageurs) mais toujours tendre, compatissant face aux éternelles victimes de la vie. L'inspecteur barcelonais sait découvrir la part d'humanité en chacun, même chez "le salaud".
Publié en France en première édition mondiale, Méndez (Méndez, 2003) est un recueil de vingt-deux récits qui permettent d'approcher un peu plus cet homme "qui n'a jamais été chef... cet homme de comptoirs crépusculaires, de rues teintées de gris et de lèvres de femmes écarlates, autrement dir un homme d'histoires souterraines et de vérités occultes". Selon son créateur "jamais Méndez ne pardonne à ceux qui tuent pour voler, qui violent ou trucident des femmes..." Et justement dans Cinq femmes et demie (Cinco mujeres y media, 2005), le policier barcelonais va devoir enquêter sur des femmes violées, battues ou trompées, mais la revanche, la vengeance, ce sont ces cinq femmes et demie qui vont la prendre, qui vont l'exercer... Cet ouvrage a reçu le Prix Mystère de la critique.
Méndez a été interprété à l'écran par José Luis López Vázquez dans l'adaptation de Chronique sentimentale en rouge. [JJF]

Dictionnaire des littératures policières.
Sous la direction de Claude Mesplède. [s.l.]: Joseph K, 2007. 2 v.